Archive | Derrida RSS feed for this section

Congrès d’Analyse Freudienne à #Paris // #taxidermie et #psychanalyse

3 Sep

30 septembre et 1er octobre 2023

Qu’est-ce que l’A(a)utre ?

Claude Breuillot 

Psychanalyste

Twitter : @cbreuillot e-mail : cbreuillot@gmail.com

Blog : psychanalysebourgogne.wordpress.com

——

Extraits:

Taxidermie et psychanalyse. Figures de l’Autre ?

Animal sacralisé, divinisé, animal fétiche, animal totem, les représentations animales ne manquent pas depuis la nuit des temps, peints sur les parois des cavernes ou sur celles, moins matérialisables, de notre inconscient. L’élucidation du phénomène marquera le Totem et tabou, de Freud. L’analyse du petit Hans, voire L’homme aux loups, L’homme aux rats,ont attiré son attention sur l’importance des animaux (des chevaux dans le cas de Hans) dans la névrose infantile, avec l’identification « totémique », entre animal et père de la horde.Freud avait pris un grand intérêt à la lecture de Totemism and Exogamy de James Frazer, paru en 1910. De fait, s’il est un ouvrage de Freud qui prend en compte la littérature anthropologique de son époque, c’est bien Totem et tabou.

La domestication de l’animal fut une étape cruciale. Il est à noter que crucial dérive du latin crux, crucis, « croix » en français, cruz en espagnol. « La domestication ne va pas de soi » explique l’archéozoologue Denis Loirat. « Les premiers animaux sont des animaux sauvages qu’on va commencer à contrôler, et donc d’abord à isoler du troupeau sauvage. On va commencer à les parquer, à les isoler, à les soigner, à les nourrir, à contrôler les naissances. Alors, ça ne se fait pas sur quelques années, évidemment, il faut attendre une centaine d’années pour percevoir un changement au niveau génétique, qui va se traduire pour nous, archéozoologues, au niveau anatomique, puisque c’est principalement ce qui va nous rester à observer lors des fouilles archéologiques. Ce processus de domestication entraîne une réduction de la taille des animaux, principalement des mâles, ce qui réduit la distinction entre les mâles et les femelles. Ce qu’on appelle le dimorphisme sexuel. Au départ, ce n’est pas évident de distinguer un animal sauvage d’un animal en cours de domestication… » 

La domestication,  à entendre comme signifiant du contrôle et de la maîtrise, pour satisfaire aux besoins alimentaires, mais concomitamment, mettant en exergue la temporalité, établir des liens qui restent à analyser entre l’enfant et l’animal.

La domestication du cheval ne fut ni plus ni moins qu’une Révolution dans la grande aventure humaine. Sans le cheval, pas de vitesse, pas d’exploration, pas de conquête… 

L’anthropologue et dramaturge, Valentine Losseau a étudié et vécu, par intervalles pendant sept ans dans les forêts du Chiapas, au Mexique. Elle rencontre les indiens Lacandon où chaque enfant, à la naissance, se voit attribuer un totem animal, une créature qui existe à la fois dans le monde physique et dans le monde souterrain. Les Lacandons se divisent en groupes, dont chacun se rattache à un animal. Tousles hommes vivant au même endroit portent généralement le même nom d’animal ou nom totémique. L’individu portant un nom totémique différent était chassé de son propre groupe et recueilli par un autre.

Il existe donc un clan « singe », un clan « sanglier », un clan « singe à tête blanche »,…

Le totémisme s’accompagne de l’interdiction de consommer le totem et de l’exogamie. Or la prohibition de consommation ne joue pas chez les indiens Lacandons : les « singes » sont même leur plat préféré. Si on leur reproche de consommer un « parent », ils répondent que ce parent est bon à manger, et que rien ne leur défend cet usage. Un signifiant représente un sujet pour un autre signifiant. « L’exogamie est respectée d’une façon presque totale : j’ai vu, écrit jacques Soustelle, un cas d’homme « sanglier » marié avec une femme du même totem. D’une façon général, les « singes » épousent desfemmes « sangliers », et les « sangliers » des femmes « singes ». » 

L’humanité, écrit Freud, a produit, au cours des temps, trois systèmes de pensée ou trois grandes visions du monde : l’animisme (mythologique), la religieuse, la scientifique. Parmi elles, la première créée, celle de l’animisme, est peut-être la plus conséquente et la plus exhaustive. C’est un système de pensée qui permet de concevoir à partir d’un seul point le tout du monde comme un unique ensemble cohérent et qui laisse des traces dans la superstition, dans le fondement de notre parler et de notre croire. Freud soulève dans Totem et tabou, la question de la pensée magique. L’animal envahit les croyances :l’animisme est la croyance que toutes les choses naturelles, telles que les plantes, les animaux, les roches et le tonnerre, ont des esprits et peuvent influencer les événements humains. « Animisme » vient du latin anima, « âme » mais aussi « animé » – qui donnera le mot « animal ».

« Le premier animal domestiqué est le chien, mais il ne l’a pas été de manière intentionnelle. On estime que la transition s’est opérée il y a au moins 17 000 ans, soit bien avant l’apparition de la sédentarisation ou de l’agriculture. À cette époque, l’être humain et le loup, dont le chien descend, sont des prédateurs dont les terrains de chasse se croisent. »

 

Le bestiaire peuplant l’espace de la cure ou le champ psychanalytique ne manque pas d’originalité. De la naissance à la mort, les animaux se présentent à nous dans les interstices, souvent énigmatiques et équivoques, du quotidien : nos rêves, nos fantasmes, nos discours, nos investissements d’objet…

Au détour des contingences, il sera médium, surface de projection, objet spéculaire, sublimation, objet sexuel,…

 

La nosographie ne manque pas de l’épingler : la zoophilie, la phobie des araignées, la phobie des chevaux chez le petit Hans.

 

Les pulsions scopiques et épistémophiliques ne sont pas étrangères à notre objet d’aujourd’hui : la taxidermie. On ne peut ne pas penser à la pulsion invocante, proposée par Lacan. L’acte taxidermique vient-il faire écho à des conflits psychiques inconscients ? « L’entre-deux morts ne se rencontre pas  au coin de la rue, il faut-être, dit Lacan, « à bout de course », confronté au tragique, confronté à la coupure du langage, constitutif du sujet divisé, dit-visé par le chasseur photographique, chasseur d’image croisant le chasseur d’animaux. Si l’inconscient, c’est le désir de l’Autre, l’animal, par déplacement, pourrait-il être une figure de cet Autre ?

Mansion, c’est la demeure du dit de la vérité de la jouissance.La taxidermie pourrait catalyser l’image, condenser les dits-mansions plurielles du manque et de l’angoisse de castration, polariser le regard, par l’exhibition d’un corps constituant une limite, une sorte de divinisation de la limite où l’être subsiste dans la souffrance non symbolisée, la sourde  plainte. « Ces trois « ditmansions », telles que je les écris, s’appellent le Symbolique, l’Imaginaire et le Réel. »

« J’aurai ta peau ! » pourrait s’exclamer le sujet en attente de l’acte taxidermiste, un retournement possible sur le corps propre, de la pulsion de mort. 

À suivre…